Anne-Marie Guehria, 2006

COMMENTAIRE DE L’OUVRAGE «  LA PART DES ANCETRES » D’ALBERTO EIGUER,  EVELYN GRANJON ET ANNE LONCAN, par Anne Marie Guehria 2006

Il y a neuf ans, le Générationnel, ouvrage de référence, traitait de l’apport spécifique de la thérapie familiale psychanalytique concernant les processus de transmissions psychiques entre les générations.

La Part des Ancêtres, prolonge cette réflexion et témoigne des progrès dans la recherche théorique et clinique de la thérapie familiale psychanalytique dans ce champ de la transmission psychique.

Dans son introduction, Alberto Eiguer nous indique combien le concept de transgénérationnel a ouvert de nouvelles voies dans le domaine de la clinique, pour ces périodes de la vie où le recours aux origines est vital, comme la naissance, l’adolescence, la vieillesse, mais aussi dans les contextes dans lesquels la transmission générationnelle est mise à mal, comme les situations de migrations, de déracinement. Il reprécise les deux aspects du transgénerationnel, celui qui structure et fonde le groupe familial, que Kaës nomme intergénérationnel et celui qui déstructure, désétaye la famille, avec la dimension de l’accomplissement d’un destin tragique.

Dans le premier chapitre intitulé « Le don et la dette ou le malentendu de la générosité », Alberto Eiguer réexamine le concept d’intersubjectivité en reprenant les travaux de Derrida et de Levinas sur l’altérité et le sentiment de responsabilité, pour aborder la question de la construction du surmoi. Les contrats, les pactes les alliances organisent les groupes, assignent une place à chacun et assurent la transmission de valeurs et de principes qui peuvent prendre parfois des aspects contraignants voire tyranniques. Alberto Eiguer va s’intéresser au-delà de la tyrannie violente à une autre forme de tyrannie, d’apparence innocente, celle du don et de la dette. Il va analyser le don dans les échanges familiaux, les origines transgénérationnelles de la dette, les liens entre dette, culpabilité et surmoi.

Il réinterroge le concept de préoccupation maternelle primaire de Winnicott en le confrontant à la notion de dette, et en montrant qu’en même temps qu’elle crée les conditions de l’ouverture à la vie fantasmatique de l’enfant, elle provoque en lui un profond sentiment de culpabilité, un sentiment d’obligation envers elle. Et Alberto Eiguer attire notre attention sur l’excès de don maternel, qui déclencherait une culpabilité écrasante ou, à l’inverse rendrait l’enfant inapte à respecter toute limite. L’instauration du surmoi ne correspondrait pas seulement à l’introjection des menaces et des interdits parentaux, mais aussi à la culpabilité liée au don d’amour des parents. L’ambiguïté du don crée le sentiment de dette et l’obligation du contre don. Dans la famille, le don est affaire de transmission. La dette, la reconnaissance, soutiennent les liens, inspirent les fantasmes, en même temps qu’elles nourrissent l’estime de soi. Ce qui suppose que les parents autorisent l’enfant à s’acquitter de sa dette envers eux, et que les ancêtres n’aient pas laissé de dettes non honorées en héritage.

Dans le dispositif de la thérapie familiale psychanalytique, l’objectif n’est pas de lever les secrets, de déterrer les traumas transgénérationnels, mais bien de redonner vie à cet appareil psychique familial figé, par le jeu, par l’interfantasmatisation. Les effets de la dette transgénérationnelle se déploient dans le transfert et dans le contretransfert.

Une thérapie familiale vient illustrer les souffrances et les symptômes engendrés par une dette trop lourde envers une grand-mère maternelle, notamment la confusion générationnelle, la culpabilité écrasante de la mère et l’absence de limite chez la fille.

Pour lire la suite, cliquez sur la loupe :
zoom Apsyfa